Pierre Bourdieu : L’exception et la règle

P
[Cet article est paru originellement dans art press n° 181 de juin 1993.]

 

« Les gens de lettres, qui possèdent un admirable talent pour les histoires les plus lointaines et les plus dépourvues d’intérêt, par exemple le drame de conscience de l’empereur Charles II au sujet du mariage de Brunhilde, répugnent à soulever la question la plus importante, celle de leur transformation en hommes publics, sociaux. Ils aimeraient, de toute évidence, que chacun pense qu’ils sont écrivains par la volonté divine, et non pas humaine, qu’ils sont tombées du ciel sur la terre avec leur talent ; ils seraient gênés de révéler par quelles concessions, par quelle défaite personnelle, ils ont acquis le droit d’écrire sur Brunhilde ou simplement sur la vie des apiculteurs ».
Witold Gombrowicz, Ferdydurke

Panofsky et Flaubert

« Sociologie (de l’art) : toujours réductrice » (aux obscurs, aux sans-grades, à la réception, aux jeux des classes sociales, au « petit tas de secrets » biographique…) Les Règles de l’art accordent, on le sait, une grande place à Flaubert. Et la sociologie, pour la doxa du Retour à l’Ordre contemporain, fait facilement figure de Dictionnaire des Idées reçues sur les idées reçues. Surtout lorsqu’elle s’en prend au sacré par excellence, la Culture, en montrant que les idées, l’art, la littérature, la philosophie, ne sont justement pas « reçues » mais produites selon des règles objectivables, que le créateur n’est pas incréé – sans pour autant « refléter » ou « exprimer » son « milieu ». Passe encore que l’on s’occupe du peuple (quoique il faut aux médias pas moins que l’abbé Pierre pour faire passer le Pierre Bourdieu de la Misère du monde – une parole non populiste qui « porte sur Yvetot le regard que l’on accorde volontiers à Constantinople« ). Misère de la « pensée »: tous les Pimko du monde (je rappelle ce Pickwick varsovien imaginé par Gombrowicz dans Ferdydurke, qui ressasse son « don des morts » et ses tautologies magico-poétiques) se mobilisent pour colmater les blessures narcissiques et traiter Bourdieu en « chien crevé ». A l’exception de Heidegger (mais « l’affaire » éclipsait le débat), Ponge ou Kafka[1] (des études lumineuses mais peu lues), Bourdieu n’avait jusque-là pas exploré une œuvre singulière (et, à l’exception des « considérations intempestives » de Questions de sociologie, jamais ramassé sa théorie complète du champ artistique). Cela dit, Flaubert ne doit pas dissimuler une « boîte à outils » théorique (aurait dit Foucault) de cinq cents pages, comme il y en a peu, un livre fondateur – comme le Cours de linguistique générale ou l’Histoire de la folie. Dans l’œuvre de Bourdieu, les Règles de l’art sont le pendant de la Distinction, la « critique sociale du jugement » de 1979; la cible est la même : le « kantisme », chic ou spontané, qui déshistorise les questions esthétiques. L’œil (qui lit, qui voit, qui écrit, qui peint) a une histoire : il n’existe pas à l’état sauvage (ou transcendantal).

A ceux qui s’étonneraient d’une incursion dans l’art, on peut rappeler que l’auteur de l’Education sentimentale préoccupe Bourdieu depuis les années soixante, et que la traduction de Panofsky lui permit, en 1967, une première formulation de l’habitus qui entendait déplacer – contre Sartre et Lévi-Strauss qui dominaient alors le champ – l’antagonisme Histoire-Structure[2] (Bourdieu n’inclut pas ici par hasard un article de « reconnaissance » envers Baxandall). De la boîte, je voudrais juste extraire un concept entre cent, un outil pour nous, aujourd’hui ; au risque d’être plus que sommaire sur cette somme, je voudrais insister sur le cœur méthodologique de la découverte de Bourdieu : ce champ (littéraire) dont il nous relate « genèse et structure », l’institution puis la conquête de l’autonomie, de Baudelaire à l’après-guerre.

Le plan du métro

Face aux « sociologues » comptables de la réception des œuvres, les desservants de la messe littéraire invoquent volontiers « l’espace littéraire », pur et sans tache, et son apesanteur. Parallèles vouées à ne jamais se croiser, médiations introuvables. Les mêmes qui s’extasient sur Pessoa ne voient pas que les hétéronymes sont aussi une géniale fiction du champ[3]. Le champ : par ce concept à la fois simple et complexe, Bourdieu lève d’un coup toutes les antinomies qui structurent lourdement (toutes variantes anciennes et modernes confondues) le discours ordinaire sur la production littéraire et artistique : un-multiple (l’artiste et son milieu), interne-externe (l’œuvre et l’homme, le texte et la société).

Comme l’habitus et les stratégies, le « champ » noue de l’espace et du temps, « genèse et structure », il est le vecteur, la médiation d’une Histoire non linéaire. Le champ artistique est autonome dans le champ du pouvoir (il y a un champ des champs) – c’est tout le propos du livre de montrer cette conquête – mais pas indépendant ; le champ est un champ de forces : c’est sur cet espace mouvant des possibles que se construisent et qu’interagissent les habitus et les croyances, que jouent les stratégies pour imposer des légitimités. Surtout, le champ est double, « république des lettres » et « univers des formes » : institutionnel et esthétique à la fois (pensez au signifiant et au signifié) : « La science des œuvres d’art a pour objet la relation entre deux structures, la structure des relations objectives entre les positions dans le champ de production (et entre les producteurs qui les occupent) et la structure des relations objectives entre les prises de position dans l’espace des œuvres« .

Dans le champ, il n’y a que des différences. Un écrivain, un artiste n’est jamais seul. L’unité de compte du sociologue ne peut être « l’auteur » ou « l’œuvre », ils n’adviennent qu’à la fin. Bourdieu compare avec le métro : on ne peut comprendre une station qu’à partir du réseau et de son histoire reconstituée. De même, on ne peut comprendre Flaubert qu’en reconstituant l’espace des positions, Maxime Du Camp, les bohèmes, etc. « Ce qui fait l’originalité radicale de Flaubert, et ce qui confère à son œuvre une valeur incomparable, c’est qu’il entre en relation, au moins négativement, avec la totalité de l’univers littéraire dans lequel il est inscrit, et dont il prend en charge complétement les contradictions, les difficultés et les problèmes« . L’Education sentimentale met cela en abîme. Voilà pourquoi Flaubert est grand.

Autrement dit : les Règles de l’art sont une science de la singularité, une véritable théorie des exceptions (ni des oubliés ni des dominés) : l’exception n’est pas celui qui échappe à l’histoire mais celui qui y est immergé, qui incorpore, qui traite, traduit dans les termes spécifiques de son art, le plus d’histoire du champ et d’Histoire tout court. Le grand écrivain (ou le grand peintre) n’est pas un donné que je trouve, il est celui que je reconstruis au terme d’un parcours qui a commencé par une reconstitution de l’espace des possibles. (Imaginez une biographie bourdieusienne de Picasso.)

Le degré zéro

Et le « style » de Flaubert, son écriture, cette « beauté grammaticale » (Proust) qui est à l’origine (fantasmatique) de tous les « degrés zéro » modernes? Style subi (« au-dessus de l’Histoire ») ou écriture choisie (dans l’Histoire) pour reprendre le Barthes du Degré zéro de l’écriture ? Impossible de résumer, mais Bourdieu rend compte des choix de Flaubert ou de Baudelaire, de leurs stratégies les plus formelles, qui traduisent et informent leurs stratégies d’écrivains, comme il décortiquait en technicien l' »ontologie politique » heideggérienne, loin des pro et des anti. Flaubert invente son style (indirect libre et asyndète généralisée par exemple) à partir du double-bind de sa position, ni « art social » ni « art bourgeois » (au passage le livre donne un sens au labeur d’une « critique génétique », qui voudrait échapper à la vieille critique des sources). L’Education sentimentale est expliquée non seulement dans son espace social inscrit (Paris), les contraintes du champ, mais aussi dans sa texture même : à l’arrivée, une sociologie du texte (interne autant qu’externe), plus qu’une sociologie externe ou qu’une sociocritique, plus qu’une poétique générale appliquée ou qu’une sémiotique du texte mais qui les comprend.

Dépassée, l’opposition entre Sainte-Beuve et Contre Sainte-Beuve, laquelle n’a cessé de fracturer le siècle jusqu’aux années soixante (souvenez-vous des batailles Barthes-Picard sur Racine[4], voire Foucault-Derrida sur Descartes, qui en donnaient une variante tout entière déplacée sur le terrain moderne). Autrement dit, et pour s’en tenir à l’histoire récente, Bourdieu renoue avec le premier Barthes qui tentait en 1953, dans le Degré zéro, en inventant à côté du concept de « style » celui d' »écriture », de recoller les morceaux de Sartre : de formuler Situations II (le célèbre engagement) dans les termes de Situations l (la technique du romancier, voilà sa métaphysique) ; autrement dit y a-t-il, dans les textes, des marques formelles de l’Histoire et de l’histoire de la bibliothèque ? De même, il retrouve les formalistes russes (louri Tynianov et « l’évolution littéraire ») ou Bakhtine (la polyphonie et le carnaval) introduits en France par Tel Quel. En fait, Bourdieu redonne très exactement corps au projet affiché, puis abandonné par la revue d’avant-garde, d’une « science de la littérature ». L’enjeu : une pensée formelle du social, ou sociale du formel, un formalisme réaliste, pour pasticher Baudelaire. Il n’y a plus de « dessus de l’histoire » ; si « le style » (au sens de Barthes) était séparable de l' »écriture », il se tiendrait plutôt en dessous, pris en elle comme l’inconscient freudien dans l’inconscient social.

Un-multiple, externe-interne : histoire et structure, Sartre et Lévi-Strauss, toutes les histoires (anciennes ou modernes), toutes les structures. Loin d’être « parano » (entendu récemment à Beaubourg), Bourdieu procède à une « systématisation critique d’acquis de toute provenance« . A l’instar de la critique génétique, les autres démarches gagnent une nouvelle pertinence dans un champ théorique redistribué, réouvert. Ce livre est d’ailleurs contemporain des renouvellements récents des alternatives que manifestent tant l’écrivain Michel Chaillou faisant une sociologie poétique, que le poéticien Gérard Genette flirtant avec une poétique sociologique[5], les livres de philosophes sur la littérature (Bouveresse, Macherey, Descombes), ou que des « monuments » tels que De la littérature française de Denis Hollier ou l’Atlas Universalis des littératures. Jubilation extrême de voir s’ordonner les possibles en lutte sur une sorte de table de Mendeleiev théorique, et de s’apercevoir que la même table éclaire les débats qui agitent le monde de l’art (Bourdieu traverse les domaines, il y a un Manet puis un Duchamp sous son Flaubert). Jubilation à trouver chez Bourdieu des instruments pour réfléchir sur les expositions et les musées (critique des entreprises type « Vienne », Orsay musée du champ, etc.,) comme sur l’esthétique (la vogue actuelle de la pureté kantienne, justement produit de l’autonomie du champ, en version « ready made » ou en version « sublime »[6]). Boîte à outils… un chantier s’ouvre sur le champ.

Leibniz et Rousseau

L’éditeur annonçait « le Flaubert de Bourdieu ». A cause aussi d’un chapitre sur Sartre, les critiques ont voulu voir dans les Règles de l’art un règlement de comptes avec Sartre en général et l’Idiot de la famille en particulier. Combat des chefs, querelle de succession, etc. C’est le contraire qui est vrai. Comme Sartre, Bourdieu est philosophe. Mais là où Sartre a tenté de tout intégrer à la « toute puissance de la pensée », et à une vision s’exprimant en termes de « projet originel » (l’inconscient freudien dans l’Etre et le néant, mauvaise foi de « la mauvaise foi », puis l’histoire dans la Critique de la Raison dialectique), Bourdieu utilise la sociologie (dans la tradition de Marx, Durkheim ou Weber) pour tenir les promesses de la philosophie. A partir de là, tel qu’il le fait avec les théoriciens de la littérature, Bourdieu discute avec Sartre comme avec Benjamin ou Wittgenstein, avec Derrida comme avec Marin ou Foucault, Goodman ou Danto. Parenthèse : ce n’est d’ailleurs qu’au fondement philosophique du livre, bien en deçà de l’art, que pourrait être adressée une « critique » qui ne peut en être une ; Bourdieu pose en effet qu’il n’y a pas de dehors au monde social, au champ des champs des champs, au jugement dernier permanent qu’il a analysé chez Kafka : débat en droit intenable, issue par définition indécidable[7].

Sartre rêvait de devenir « Stendhal plus Spinoza« . S’il fallait jouer à ce jeu pour Bourdieu, je citerais d’autres noms (il ne s’agit pas là d’un palmarès, mais de positions d’énonciation, ces noms désignant des forces, des manières dans le champ de la théorie). Leibniz : à cause du champ des champs, du réseau proliférant, de l’harmonie universelle, de la nécessité à construire, de l’énoncé systématique ; Rousseau : pour l’énonciation inverse, pour la disharmonie universelle simultanée, le lieu « d’où parle » Bourdieu qui fissure le système et l’accroît, lui fait écrire la Misère du monde, discours sur l’inégalité symbolique parmi les hommes, contrat social impossible, et son livre de littérature (des « petites nouvelles »). Et Proust pour la résolution de cette tension, Proust et sa phrase qui hante toute son œuvre comme un surmoi, qui, par son inclusion de tout le champ des possibles, donne son modèle à l’écriture de la science. Freud enfin : avec de plus en plus d’insistance, Bourdieu parle de « socioanalyse », il emprunte à la psychanalyse concepts, métaphores, schèmes de pensée. Quel est le rapport de la socioanalyse à la psychanalyse, comment s’articulent – ou se confondent – inconscient freudien et inconscient social ; là semble le chantier propre de Bourdieu, sa question en attente ; s’agissant des Règles de l’art, c’est éventuellement faire revenir le fantôme d’un « style'(Barthes), isolable « en dessous » de l’Histoire, d’un corps non incorporé au monde social, qui, loin de l’invalider, complexifierait encore la théorie du champ.

Le monde à l’envers

« Sociologie toujours réductrice », idées reçues sur les idées reçues. Ironie de l’histoire : le Retour à l’Ordre, qui ne hait rien tant que la « sociologie » se caractérise d’abord par le pire des « sociologismes », une absence de médiations (de champs autonomes), dont les paradigmes resteront pour longtemps le court-circuit pamphlétaire nommé Pensée-68 et le flot de confessions « sociologiques sans le savoir », essais ou romans, les « innombrables plaidoyers sans âge et sans auteurs » évoqués en préface »[8]. Et la « réelle présence » ne répugne pas à invoquer l’audimat. Aujourd’hui Pimko a quitté sa classe pour écrire dans les journaux et publie chez les meilleurs éditeurs ; il est « universitaire-journaliste » et « journaliste-universitaire ». Sans compter (pas toujours) qu’une certaine sociologie externe porte beaucoup d’eau au moulin de cette réaction[9].

Urgence des Règles de l’art pour finir, qu’une impression de lecture pourrait expliciter : en 1993, on le lit comme un film qui se déroulerait à l’envers ; plutôt, nous vivons dans le déroulement inversé de ce que raconte Bourdieu ; sensation d’involution : la constitution d’un champ autonome sur le modèle du « monde économique renversé » à l’époque de Flaubert n’est-elle pas en train de se défaire sous nos yeux? L’autodissolution, lente de 1968 à 1983 puis accélérée, des littéraires, surdéterminée par celle des avant-gardes politiques (dans les années de notre « éducation sentimentale ») n’a-t-elle pas, en entraînant l’engouffrement de la double légitimité de la mort et des médias (Pléiade versus Pivot) dans la brèche des légitimités défaites, entamé le processus du retour à l’hétéronomie du champ?

Comment comprendre la position complexe, le « style » et les « écritures » d’un Philippe Sollers (que veulent dire ses « stratégies » en regard des stratégies du sociologue? Aux antipodes de l’Education, Femmes est presque l’archétype d’un roman « du champ » qui veut intervenir dans celui-ci), l’écriture « sans style » d’un Perec, et les nouvelles voies prises par le Nouveau après la « tradition du Nouveau » (recours à la paralittérature, à la bibliothèque, à la fable théorique[10]). Et donc ce Retour à l’Ordre qui submerge tout? Chantier. Les Règles de l’art tracent le programme d’une histoire de la littérature d’aujourd’hui (et de l’art, mais là le champ est presque immédiatement international) qui décrirait ces mutations en termes de luttes dans le champ, et de bouleversements de ses frontières, et non de générations voire de décennies (« l’âge du capitaine » semble devenu aujourd’hui le nec plus ultra de la non-pensée, voire des regroupements d’écrivains ; je songe aux « quadras » de Quai Voltaire, et à combien d’expositions).

Si Pierre Bourdieu peut jouer ce rôle d’incitateur de pensée, c’est aussi qu’il s’agit d’un des rares penseurs vivants (avec Gilles Deleuze) à tenir en même temps les deux bouts de la chaîne, celui de la généalogie sans concession du présent, et celui d’un soutien sans faille aux novateurs (voir ci-contre le texte sur Saytour, ou un livre d’entretien avec Hans Haacke, à paraître). Parce que sa pensée leur doit autant qu’elle leur donne (on le sait pour l’art depuis Un art moyen, moins pour la littérature). En dehors de son « champ » propre, Bourdieu est en phase avec ce qui s’écrit, et qui justement résiste à cette involution constatée. Parmi les formateurs du sociologue, il y a Panofsky, il y a tout autant Raymond Queneau ou les nouveaux romanciers ; leurs déconstructions du récit, du personnage, de l’intrigue. Aujourd’hui la théorie du champ croise tous ceux qui ont à voir avec le formalisme réaliste (d’Echenoz ou Renaud Camus à Cadiot), avec les écrivains de « vies brèves » (de Quignard ou Florence Delay à Daniel Oster) et, évidemment, tous ceux qui questionnent la croyance littéraire (de Kundera et Denis Roche à Muray ou Henric) etc.[11]. Contre Pimko le réactif, on gagnerait beaucoup à lire Bourdieu avec ses contemporains : les écrivains, les artistes.

BIBLIOGRAPHIE

Pierre Bourdieu : Un art moyen, l’Amour de l’art, la Distinction, Leçon sur la leçon, Choses dites, Questions de sociologie, l’Ontologie politique de Martin Heidegger, éd de Minuit
Ce que parler veut dire, éd. Fayard
Réponses, les Règles de l’art, éd. du Seuil
Erwin Panofsky : Architecture gothique et pensée scolastique, éd de Minuit
Julien Gracq : Préférences, éd Corti
Witold Gombrowicz : Ferdydurke (10-18), Contre les poètes, éd Complexe
Danilo Kis : la Leçon d’anatomie, Fayard, 1993
Roland Barthes : le Degré zéro de l’écriture, Points Seuil
Théorie de la littérature des formalistes russe, Seuil coll. Tel Quel
Renaud Camus : Buena vista park, Hachette, 1980
Michel Chaillou : Petit guide pédestre de la littérature du 18e siècle, Hatier Brèves littérature
Anna Boschetti : Sartre et les Temps modernes, éd. de Minuit
Jacques Henric : le Roman et le sacré, éd. Grasset

Notes

[1] Dans le cahier de L’Herne Francis Ponge, dans le Siècle de Kafka (Ed. Centre Georges Pompidou, 1984 ).

[2] Voir Pierre Bourdieu : Field Work in Philosophy in Choses dites (Ed. de Minuit).

[3] Outre Pessoa, on peut trouver chez nombre d’écrivains des fictions du champ (Borges évidemment, mais aussi Renaud Camus et Antoine Volodine aujourd’hui). Ou un usage implicite de ce que Bourdieu thématise sous ce nom (le Journal de Gombrowicz ou son Contre les poètes, les essais de Gracq: la Littérature à l’estomac ou Pourquoi la littérature respire mal, la Leçon d’anatomie de Danilo Kis, qui tous se tiennent exactement à l’intersection de la « république des lettres » et de « l’univers des formes »). Voir aussi, pour l’art contemporain, la collection Yoon Ja et Paul Devautour (dernière exposition: Générique, vers une solidarité opérationnelle, Meymac, 1992).

[4] Voir l’analyse que Bourdieu en fait dans Homo academicus.

[5] Petit guide pédestre de la littérature du 17e siècle, et de façon générale la collection « Brèves Littérature », Hatier.

[6] Voir à titre de symptômes deux recueils récents : la Place du goût (Ed. Chateaugiron, 1992) et l’Art sans compas (Ed. Cerf, 1992).

[7] Voir le très beau Leçon sur la leçon. On touche là à l’impossible débat Bourdieu / Sollers qui n’eut, et ne pouvait avoir lieu lors du 20e anniversaire d’art press, le 15 décembre 1992 à la Cinémathèque française (pas plus que le débat Bourdieu / abbé Pierre à la télévision). Parce qu’il n’y a pas « matière à débat » entre le monde sans autre, ni arriéré-monde du sociologue et le postulat de l’auteur de Paradis qu’il doit y avoir fictivement un autre monde d’où parler celui-ci. A un autre niveau, entre Bourdieu et l’hégélianisme de gauche de Guy Debord dans les mots duquel Sollers formule et justifie sa perception du champ littéraire.

[8] Voir aussi l’indépassable (négativement) article d’Olivier Mongin sur la littérature française (le Monde, juillet 1992).

[9] Voir par exemple la Partie de main-chaude de l’art contemporain de Nathalie Heinich in Art et contemporanéité (La lettre volée, 1992). A l’inverse, les magnifiques travaux d’Annie Verger (Actes de la Recherche en sciences sociales, n°88 ).

[10] Voir art press n° 177, février 1993, « Volodine, millimètres et millénaires »

[11] A ce propos, il faut lire Buena vista park de Renaud Camus. Traité de « bathmologie », la science des degrés de langage, inspirée d’un mot de Barthes, en constant débat avec la Distinction. Camus, qui partage l’ambivalence de Barthes vis à vis de la sociologie, oscille entre postmodernité « distinguée » et objectivation bourdieusienne. De façon générale, Camus est souvent proche (cf. les récentes Elégies) de la position décrite par Bourdieu comme celle d’un Mallarmé.

Liens