Dans l’escalier de service du moi

D
[Ce texte est paru originellement dans la brochure de Yvonne, princesse de Bourgogne, opéra de Philippe Boesmans d’après la pièce éponyme de Witold Gombrowicz, mis en scène par Luc Bondy à la Monnaie de Bruxelles en septembre 2010]

 

Malaise dans la civilisation

« Jusqu’à présent l’homme ne se voyait et ne se voulait voir que d’un point de vue officiel. Ce qui en lui échappait au contenu officiel, il ne lui accordait point d’existence, il ne le laissait point venir sur le forum de la réflexion, il n’en prenait pas note. Il le laissait vivre d’une existence orpheline quasi hors de l’existence, hors de la réalité, de la pitoyable existence des contenus non admis et nulle part enregistrés ». On ne saurait mieux définir ce qui est en jeu dans Yvonne que par ces mots de la conférence de Bruno Schulz sur Ferdydurke en 1938 sur l’« annexion d’un nouveau domaine de phénomènes spirituels » par l’auteur [1]. Définissant « l’inventaire de l’office, de l’escalier de service de notre moi » (Schulz pastiche le titre d’une nouvelle de 1929. Richard Peduzzi a lui disposé un escalier à gauche de la scène, laquelle est un peu la scène mentale du Prince Philippe [2].). Cette pièce, écrite en 1933 – Gombrowicz a trente ans, il veille son père mourant et prends ses repas avec les amies de sa sœur Rena aussi catholiques que lui ne l’est plus [3]-, publiée en 1938, que l’auteur décrit comme une sécretion, condense, récapitule par anticipation les obsessions de toute l’œuvre. Yvonne ? Un peu le noyau dur (mou) d’une constellation (les nouvelles des Mémoires du temps de l’immaturité [4] écrites entre 1926 et 1932 [5], dont Dans l’escalier de service, où le narrateur confesse son gout des bonnes), les articles critiques (sur Freud, Joyce, Jarry ou … Montherlant [6]), Ferdydurke (1937) le roman fondateur et la conférence de Schulz, rencontré en 1934, sur ce livre [7] . Comme Ferdydurke, d’un passage de Babitt de Sinclair Lewis, Yvonne tient surement son nom d’ un best-seller de 1925 Yvonka de Juliusz German, deux fois adapté au cinéma, autant que d’une « fiancée » proposée par ses parents [8]. On y reconnaît le roman qui suit : le Prince esquisse Jojo et ses tantes, on retrouve dans Zuta la lycéenne moderne et la Mollichonne et la Reine. Les prothèses des dames de la cour annoncent les corps morcelés… Et jusqu’à Cosmos (1965) : le meurtre privé du roi et le chambellan annonce les cerémonies privées de Léon Wojtis. Nous sommes dans les dernières années du règne de Pilsudski restaurateur de l’indépendance après les partages, à quelques années de nouveaux partages . « Yvonne est davantage issue de la biologie que de la sociologie ; et deuxièmement elle est issue de cette région en moi ou m’assaillait l’anarchie illimitée de la forme, de la forme humaine, de son dérèglement et de son dévergondage » [9]. Bruno Schulz écrit que Gombrowicz est parvenu à sa découverte « par le chemin (…) de sa propre pathologie » (cette princesse est du bourgogne le vin, un rouge et non de Bourgogne comme l’ont peu à peu imposé les traductions).

Au début des Souvenirs de Pologne (écrits entre 1959 et 1961 , posthumes), après avoir évoqué l’année 1920, Gombrowicz se décrit « un polonais exacerbé par l’histoire » : on sait que les grandes articulations de sa vie coincident avec celles du siècle (1939, 1953, 1963, 1968). Une pièce inachevée de 1951 Histoire, en témoigne : Witold oppose le pied nu de l’immaturité au conseil de classe – tribunal de l’Histoire . Court-circuit d’une « pathologie » et de l’état du monde. De la même façon, empruntant une autre expression à Ferdydurke, je dirai que cette exacerbation est à son tour cousue d’Yvonne. Trois fois, Yvonne accompagne le siècle : 1935 (juste avant Ferdydurke et la catastrophe qui va précipiter en vrai Witold de la périphérie de l’Europe à la périphérie du globe), 1957 (la première mondiale au Théatre Dramatique de Varsovie par Halina Mikolejska, suit le dégel en URSS, et l’arrivée de Gomulka au pouvoir en Pologne , la première édition du texte chez PIW en 1958 est illustrée par Tadeusz Kantor), 1965 (à l’Odéon, Jorge Lavelli met en scène la traduction française de Kot Jelenski et Geneviève Serreau, juste avant mai 1968 et la disparition de Gombrowicz à Vence en 1969, peu après Cosmos et Opérette). De vingt ans en vingt ans, de vingt-sept répliques à sept , de sept à une : le rôle d’Yvonne a peu à peu été rétréci par l’auteur, je vais y revenir. François Bondy et Kot Jelenski [10], après Jan Kott, ont raison de comparer à Ubu ; Yvonne est une pièce politique, non au sens de Lucien Goldman (qui voulait y voir des rapports de classes et auquel font allusion sans le nommer Bondy et Jelenski [11]) mais au sens de Freud : Malaise dans la civilisation [12]. Le corps étranger d’Yvonne est celui du « temps de l’immaturité », de l’époque de la mort de Dieu ( « L’individu est dépendant de ce qui se crée « entre » les hommes et il n’est pour lui d’autre divinité que celle qui nait des hommes » [13]). En sont déjà sorti (nous sommes en 1933, je souligne) Hitler et Staline qui vont broyer la Pologne puis l’Europe. « C’était comme si l’humanité franchissait un certain stade de développement et entrait dans un autre : celui d’une consciente élaboration de sa forme » [14]. Politique et anthropologique

La Reine : pour les acteurs, contre les poètes

 » La Reine secretement graphomane, ne peut plus se cacher à elle-même l’horreur que lui inspirent ses propres poèmes : elle découvrent qu’ils ressemblent à Yvonne » (résumé de l’acte III par l’auteur). Dans l’économie de la pièce (où « chacun possède quelque part un double, une réplique » dit le Prince, et où Yvonne est le double secret de chacun), c’est surement la reine (Mireille Delunsch), le double antagoniste d’Yvonne la mollichonne, le mollusque, la limace, le crapaud, la Princesse Anémie [15] qui ne parle pas, ne joue pas, et croit en Dieu, idiote – au sens de Dostoievski-, bloc d’immaturité, « facteur de décomposition », qui accèlère la crise des formes par contagion et révèle le théatre social, les « gueules », rendues célèbres par Ferdydurke (« L’homme dépend très étroitement de son reflet dans l’âme d’autrui, cette âme fut-elle celle d’un crétin »). Parce que ce double est elle-même double, contradictoire : théatre au carré et poésie au cube.  » Allons fonctionner fonctionnellement en fonction de notre jubilante animalité garçonnnière. On est jeunes. On est des garçons. Eh bien fonctionnons en jeunes garçons ! Afin de procurer du travail aux curés, qu’ils fonctionnent en curés ! Principe de la division du travail  » [16] dit Cyprien dès la première scène de la pièce. Et Philippe : « Je joue mon rôle. Chacun le sien » . Plus qu’eux encore, la reine joue pour elle-même devant sa glace, déclame (elle vient de Macbeth : Gombrowicz n’allait jamais au théatre et ne lisait que Shakespeare – en polonais [17]). « Toute mon oeuvre artistique, mes romans autant que mes contes, écrit Gombrowicz,c’est du théatre. Dans presque chacun de ces ouvrages, on trouvera un régisseur qui organise l’action; et mes personnages ont des masques (…) » [18]. Après des prémisses dans les Mémoires, (dès Le danseur de Maitre Kraykowski, la première nouvelle, de 1926), c’est dans cette « comédie-tragédie en quatre actes » (Philippe Boesmans) qu’ apparaîssent les conséquences anthropologiques de la mort de Dieu (le roman tout entier consacré à celle-ci sera La pornographie en 1960 [19]). De l’homme, le Journal dira bientôt en un nouveau « paradoxe du comédien » : « C’est un éternel acteur, mais un acteur naturel, car son artifice lui est congenital, c’est même une des caractéristique de son état d’homme ; être homme veut dire être acteur, être homme, c’est simuler l’homme, « faire comme si » on était homme sans l’être en profondeur, être homme c’est réciter l’homme » (la formule est reprise de Montaigne [20])). Dans le monde du Jugement Dernier permanent, l’Entre a remplacé l’Autre. « Hypocrisie » restreinte contre l' »hypocrisie » généralisée. On ne peut en effet imaginer meilleure figuration de la création des uns par les autres que le dispositif de la scène qui distribue les hommes les uns sous le regard les uns des autres, acteurs entre eux, spectateurs face aux acteurs. « Huis clos » bien avant Sartre. On pourrait forger le néologisme d’athéatre [21]. Que le kitsch poétique (« l’adorable coucher de soleil ») a pour fonction de recouvrir.

Dans la bouche de la Reine, dans son lyrisme débraillé, à l’acte IV, on peut déjà entendre le manifeste Contre les poètes, qui sera constamment repris d’articles en conférences de 1937 à 1956 (dans le Journal) – à l’incipit inoubliable : « Presque personne n’aime les vers, et le monde des vers est fictif et faux ». Un véritable manifeste contre la religion litteraire (contre la religion artistique). « Des milliers d’hommes écrivent des vers, des milliers d’autres leur manifestent une grande admiration, de grands génies s’expriment en vers, depuis des temps immémoriaux, le poète et ses vers sont venérés ; et face à cette montagne de gloire, j’ai la conviction que la messe poétique a lieu dans le vide le plus complet « .  » Les Poètes -prêtres par excellence, prêtres ex professo « . Contre les poètes, l’ argument de Gombrowicz est double : « le genre et le milieu », critique interne, critique externe, le sucre et la messe :  » je n’aime pas le sucre pur « ,  » la messe est déserte »…. Corollaire : la « poèsie » des poètes comprend toujours trop de « femme » ou de « patrie » (de Dieu, de verticalité alors que le monde est désormais horizontal – mais loin d’être plat). Pas plus que la femme n’est l’avenir de l’homme, la Poésie n’est l’avenir de la prose . Pas plus que la patrie, elle n’est l’avenir de la fraternité …. La Reine, j’insiste : il y a chez Gombrowicz une solidarité entre poésie et femme. Un « contre la Femme » double chez lui le « contre les poètes ». « La femme est un poème cousue de grossesse » écrira-t-il en 1954 dans le Journal. En revanche, une femme va incarner une possible ligne de fuite : Yvonne métamorphosée et resuscitée en Albertinette …

Une non divine comédie

« Son principal moyen, consciemment blasphématoire, est la parodie des coutumes et des rites sacrées, avec au premier plan la liturgie catholique, car c’est sur les décombres de la religion que Gombrowicz se propose d’ériger son Eglise interhumaine (…) Très tôt aussi apparaît chez Gombrowicz la parodie de la messe donc du repas eucharistique ou les convives communient en dévorant leur « victime », le corps de l’homme qui a accepté de mourir pour eux » . Après Bruno Schulz , Ceslaw Milosz (1911-200 , prix Nobel de littérature 1984) est l’autre grand lecteur de Witold Gombrowicz. Il énumère Le mariage, Le festin chez la comtesse Fritouille, La pornographie, Cosmos pour finir par Yvonne : « Elle meurt pour eux en les libérant enfin de la honte » [22]. Sous le conflit de l’Immaturité et des formes , court une autre intrigue que Philippe Boesmans désigne exactement quand il compare la pièce à Théorème de Pier Paolo Pasolini. Il y a dans Yvonne, un théo-rème à l’envers. La mort de Dieu est une mort catholique et polonaise (dans Ferdydurke, les duels de grimaces des lycéens parodient les gestes de la messe) [23]. Au fil des éditions, je le rappelais, Gombrowicz a deux fois rétréci la parole d’Yvonne, de vingt-sept répliques à sept puis à une . En réponse à la question (acte II) : « Crois-tu en Dieu ? Pries-tu ? Crois-tu que le Christ est mort pour toi sur la croix ? », Yvonne répond « oui » et c’est tout. Dans le nom même d’Yvonne, on peut entendre wino (vin) , et wina (culpabilité) . Lors de la scène (Cène) ultime, du banquet final, plutôt que le perche, poisson approuvé en traduction par Gombrowicz, il eut peut-être fallu traduire le polonais karasie par carassin qui évoque punition et caresse (Luc Bondy fait magnifiquement entrer Dörte Lyssowski dans le poisson qui étouffe la mollichonne) … Sous la fable pathologique et politique, Yvonne est aussi le premier acte d’une « non divine comédie » – pour reprendre le titre du drame de Zygmunt Krasinski. Nie-Boska Komédia (1833), un des trois monuments romantiques (avec Les aieux de Mickiewicz et Kordian de Slowacki ) , « la comédie infernale du polonais » (Lautréamont) [24], qui condense tout ce que Gombrowicz combat (tout ce dans quoi il se débat): « nos grands prophètes messianistes, messianistes, messianistes, le patriotisme éternel, la Pologne, Christ des nations, le flambeau, le glaive, l’autel et le drapeau, la Passion, le rachat, le héros, le symbole » [25]

Yvonne, Le mariage, Opérette : on peut lire les trois pièces, qui « entre » les romans, confèrent ses articulations à l’œuvre, comme une trilogie : de l’immaturité assassinée (à l’heure de la mort de Dieu) à son triomphe (via la Jeunesse) via « l’église interhumaine ». Comme les trois moments d’une démonstration (dans la postface à l’édition française du Mariage et d’Yvonne, Gombrowicz dit vouloir composer un « théatre d’idées ») : Yvonne dispose, je l’ai rappelé, les motifs qui vont s’épanouir Ferdydurke. Le mariage, écrit dans les premières années argentines, est la pièce du tournant théologique et géopolitique, qui démarre dans les « fragments d’une église mutilée », l’enfer se transforme en purgatoire.  » Célébration du rite sacré d’un Devenir neuf et inconnu » [26], la pièce nomme pour la première fois l’église interhumaine, fait passer Ferdydurke vers Trans-atlantique et La pornographie (deux manières de recomposition des corps). In extremis, Opérette (écrite à l’heure du triomphe français d’Yvonne) se place tête-bêche avec elle, elle en est la reprise : le synopsis est le même mais retourné comme un gant. Nouveau Philippe, le prince Agénor, héritier Himalay, cherche à séduire Albertinette la mignonnette, métamorphose glorieuse d’Yvonne la mollichone. Dans un chaos politique-esthétique contemporain (« la proclamation de la banqueroute de toute idéologie politique, de la banqueroute du vêtement »), Albertinette finit par faire triompher l’immaturité sur les formes. Théorème à l’endroit cette fois-ci, utopie, ligne de fuite, curieusement chrétienne (paradis, résurrection) : « L’homme ne supporte pas sa nudité » écrivait Schulz dans sa conférence. Yvonne était « à poil » (acte III), Albertinette, pas plus actrice qu’elle, à peine plus bavarde, est elle « nue » : « nudité jeune à jamais, jeunesse à jamais nue », à la dernière scène, surgissant du cercueil, comme Yvonne y entrait, pénétrant dans le poisson.. Sur les décombres du siècle (d’Hitler et Staline – nous sommes quelques années après la construction du mur de Berlin), l’homme nouveau gombrowiczien est une jeune fille nue. En haut de l’escalier de service du moi ?

[1] Brono Schulz : Correspondance et essais critiques (Denoël, 1991)

[2] Est-ce un hasard si Luc Bondy et Ricard Peduzzi semblent emprunter au cinéma muet et à la peinture surréaliste (Ernst, Chirico, Balthus) le décor onirique de l’opéra ?

[3] Depuis 1920 au moins, dit-il. Il faut lire dans les Souvenirs de Pologne (Folio Gallimard) les pages consacrées à la composition d’Yvonne : «Je ne sais si mes biographes accorderont de l’importance au fait que j’ai écrit une bonne partie de la pièce couché sur le tapis dans le salon de la rue Sluzewska (…) J’avais décidé d’exploiter au théatre la technique que j’avais mise au point dans mes nouvelles et qui consistait à dévider un thème abstrait et parfois absurde un peu comme un thème musical (…) C’est à la même époque que je commençai à m’adonner au journalisme ». Sur le sujet, lire le témoignage de l’ami d’enfance Tadeusz Kepinski : Witold Gombrowicz et le monde de sa jeunesse (Gallimard 2000)

[4] Rebaptisés Bakakai après la guerre.

[5] Le danseur de Maitre Kraykowski, Mémoires de Stefan Czarniewski, Meurtre avec préméditation, Le festin chez la comtesse Fritouille, Virginité

[6] En français dans Varia.

[7] Que Gombrowicz s’est comme approprié. « Nous étions effectivement des conspirateurs. Nous nous consacrions à un certain explosif qui s’appelle la Forme ». Après avoir été son double (il illustra la première édition de Ferdydurke), on peut dire que Schulz (assassiné par un nazi à Drohobycz en 1942) est peu à peu devenu son dibbouk. Lire entre autres les pages du Journal de 1961 où il revient sur sa complicité avec l’écrivain et peintre .

[8] « Pas un chef d’œuvre mondial qui puisse ravir la palme à l’Iwonka de Juliusz German, le roman qui envoute et fait languir grâce aux songes azurés de ses tendres jeunes filles et aux cœurs d’aciers de ses jeunes gars » écrit-il dans un article sur Les Jeunes filles de Montherlant (Varia, Bourgois). Sur l’épisode de la fiancée, lire le récit de Tadeusz Kepinski.

[9] Testament Folio p 34

[10] Dont il faut rappeler qu’ils furent les premiers en 1953 à écrire en français (dans Preuves) sur l’auteur, inaugurant son retour en Europe. Nous leur devons Gombrowicz.

[11] Lire dans les Cahiers n° 39 (Comédie Française -Actes Sud, 2001) son étude sur Le théatre de Gombrowicz (1967).

[12] Dans le texte cité, Schulz compare longuement Gombrowicz à Freud. A l’avantage du premier … car il n’y a pas chez lui de coupure entre inconscient et conscient. Et un « déchainement du rire » au lieu du « sérieux de la posture du chercheur ».

[13] Idée du drame, en ouverture du Mariage.

[14] Peu après, entre Ferdydurke et le départ en Argentine , de retour de l’Italie de Mussolini, Gombrowicz est témoin de l’Anschluss à Vienne. Lire les reportages repris dans Varia 2 (Bourgois, 1989) et la fin des Souvenirs de Pologne.

[15] Titre envisagé par Witold Gombrowicz dans une lettre à Kot Jelenski du 13 juillet 1962

[16] Yvonne in Théatre, Gallimard Folio p 28

[17] Une fois seulement à Nice (en compagnie de Georges Ribemont-Dessaignes) pour voir la mise en scène d’Yvonne par un amateur Bernard Fontaine, une crise d’asthme l’oblige à quitter la salle après le premier acte.

[18] Au passage : on se souvient de la position autofictive de Tadeusz Kantor metteur en scène dans ses spectacles. Là encore, après son édition d’Yvonne, une illustration de Gombrowicz …

[19] Toute l’intrigue narrative et métaphysique du roman se noue au second chapitre dans une campagne polonaise aux allures de « décor de théatre » (sic) par un geste de ce personnage, ancien metteur en scène et manipulateur de toute la fiction (plus tard, au chapitre 9, il théorise sur le théatre). Les principaux acteurs du drame se rendent ensemble à la messe. Et là, sous la nef, la prière et la génuflexion de Frederic « acte excentrique », dissout celle-ci : elle « devint toute flasque dans sa terrible impuissance… pendante… incapable de procréer « . Et l’église dans les deux acceptions du terme, communauté des croyants et enceinte de pierre …

[20] Journal I, Folio p 485-6

[21] C’est évidemment la pensée de Mikhail Bakhtine (Rabelais et le carnaval, la polyphonie chez Dostoievski, – deux auteurs qui se situent, pourrait-on dire, au commencement et à la fin de la mort de Dieu) qui peut aujourd’hui nous fournir la plus juste description de l’entropologie gombrowiczienne. Gombrowicz ou celui qui donne les réponses de Rabelais aux questions de Dostoievski…

[22] La terre d’Ulro (Albin Michel 1977). Yvonne, « chèvre émissaire », semble tout exprès écrite pour valider l’interprétation anthropologique du christianisme par René Girard. Sur le sujet lire : Anna Falkiewicz-Saignes Witold Gombrowicz et René Girard in Gombrowicz, une gueule de classique ? (Institut d’études slaves, 2008). De ce point de vue, très passionnante était la mise en scène d’Yvonne par Ingmar Bergman au Théatre Royal de Stockholm en 1995, qui en faisait du « boulevard » catholique. Le Chambellan devenait un prélat-travesti. Le dernier repas évoquait explicitement une Cène, un immense Christ la dominait et Yvonne (Nadja Weiss) rousse mi-Christ mi-Judas, était comme crucifiée par une arete de poisson, l’agenouillement ultime évoquait Philippe de Champaigne.

 

[23] « Tel qu’il s’est élaboré en Pologne au cours de siècles d’Histoire, je comprends le catholicisme polonais comme un transfert sur quelqu’un d’autre -Dieu en l’occurrence – de fardeaux surhumains (…) Dieu et nul autre nous menait par la main – c’est à ce fait que j’imputais notre immobilisme au sein de l’Histoire et notre impuissance sur le plan culturel » . On peut rappeler ici le titre anglais de l’histoire de Pologne du à Norman Davis : God’s playground… ( Fayard) . Et l’existence d’un pape nommé Karol Wojtila.

[24] Aux éditions Noir sur Blanc sous le titre La comédie non divine .

[25] Ferdydurke Gallimard, Folio p 69

[26] Journal I, Folio Gallimard p 145

Liens