« Je ne fus enfant, ni heureux ni malheureux (mon enfance fut une longue rêverie inerte qu’anima, seul, le spectacle d’Auschwitz, d’Oswiecim, en Pologne) » : né en 1944 dans la clandestinité, Pierre Goldman se rêve en héros mort du ghetto de Varsovie et de l’Affiche Rouge. A l’été 65, « je fus saisi d’une fête qui venait de Cuba ». Les tentatives échouent de concilier les deux (le né-mort « juif » et le vivant « nègre ») dans les luttes armées latino-américaines. Après 1968, Goldman se choisit « voyou ». Fin décembre 1969, accusé d’un meurtre, son existence se transforme en destin.
Livre unique, foudroyant, les Souvenirs obscurs (1975) sont d’abord une défense rédigée en prison, contradictoire revendication d’innocence (factuelle) et de culpabilité (fondamentale – de n’être pas son père, ou Léopold Trepper), entre Série Noire et Kafka … Et de nouvelles « réflexions sur la question juive », alors que la « Shoah » commence à peine à émerger de la « Déportation » (1975 est également l’année de W ou le souvenir d’enfance et de La vie devant soi). Acquitté en 1976, Pierre Goldman sera assassiné en 1979. La première parution des Souvenirs obscurs puis le destin de l’auteur ont suscité de nombreux ouvrages (Finkielkraut, Debray, Cixous, Rabbi…). Vingt-cinq ans après, cette réédition est l’occasion de réentendre ce texte sans équivalent dans la littérature contemporaine.