Rencontre avec André Schwarz-Bart

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[Ce texte est paru le 25 mai 2005 en présentation du colloque André Schwarz-Bart, à Paris, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme]

 

« Nos yeux rencontrent la lumière d’étoiles mortes ». Avec Le dernier des justes (prix Goncourt 1959, et jusqu’à aujourd’hui encore succès mondial), un inconnu, né en 1928, André Schwarz-Bart, qui avait été résistant, inventait, quinze ans après la guerre, dix ans après la fondation de l’état d’Israël, une manière inédite de conter l’histoire des Juifs et ce qu’on n’appelait pas encore la Shoah. Réinventait du même coup -du même livre- un art et un peuple. A rebours des réflexions esthétiques et identitaires d’alors

On ne répétera jamais assez qu’il y a une histoire (et une géographie) de la « littérature – de tous les arts – après la Shoah » comme il y a une histoire et une géographie de la « littérature juive » et des « juifs écrivains ». Depuis la guerre, après la période de l’aphasie puis de la difficulté à faire entendre l’inouï (Primo Levi, Robert Antelme), deux positions sont, on le sait, repérables : l’une liée au nom d’Adorno, en France de Blanchot, selon laquelle l’irréprensentabilité du génocide interromprait l’art, l’autre « lazaréenne », baptisée par Jean Cayrol en 1950 -qui évoque Picasso, qui veut que l’irrepresentabilité du génocide se noue aux déconstructions de l’art moderne (Anna Langfus qui obtiendra le Goncourt 1962, Charlotte Delbo, mais aussi … Georges Perec de La disparition à La vie mode d’emploi) ; voire exige la mémoire de tout l’art (David Rousset mais aussi … Romain Gary des Racines du ciel à La danse de Gengis Cohn et à Emile Ajar)

A rebours, André Schwarz-Bart, nourri des travaux des historiens (Isaac, Poliakov) choisit le mythe, la fresque, la légende (de York au XIIè siècle à Auschwitz 1943). D’où les malentendus instantanés, les « affaires » (accusations, dans la « communauté », de plagiat et de christianisme …).  » Noir ou nègre. Se dit également juif  » notait le narrateur de Gary dans Tulipe. Dès 1955, Schwarz-Bart projette un cycle romanesque sur le monde noir. Après Le dernier des justes, l’auteur qui s’en est allé vivre hors de France en 1960, donne Un plat de porc aux bananes vertes (1967) avec Simone Schwarz-Bart, et La mulâtresse solitude (1972). Ces dernières années, il a dirigé avec Simone Schwarz-Bart six volumes d’ Hommage à la femme noire.

Pour la première fois depuis 1960, André Schwarz-Bart a accepté de rencontrer ses lecteurs au Musée d’Art et d’Histoire du Judaisme. Entouré de ses amis : le cinéaste et écrivain Robert Bober, Marie Moscovici (Le meurtre et la langue, 2002), Richard Marienstras (Shakespeare au XXIè siècle, 2001), Boris Cyrulnik, Pierre Dumayet dont les entretiens de 1959 ont marqué les mémoires ; et Francine Kaufman, spécialiste de l’œuvre (Pour relire Le dernier des justes, 1986). Denis Podalydes lira des extraits de l’œuvre.

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